Chroniques scientifiques
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Chaque mois, dans les colonnes des Chroniques Scientifiques de l'AEEMA, un épidémiologiste francophone met en avant un article scientifique de son choix.
Ce mois-ci, Guillaume Crozet, enseignant-chercheur en épidémiologie et maladies réglementées à l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort, vous propose l'article "Rabies-induced behavioural changes are key to rabies persistence in dog populations: Investigation using a network-based model" écrit par Victoria Brookes et al. et publié dans le journal PLoS Neglected Tropical Diseases en 2019.
Cet article est disponible en libre accès ici.
Pouvez-vous nous résumer brièvement l’article ?
Cet article présente les résultats de travaux de modélisation de l'introduction de la rage au sein de populations de chiens domestiques (pouvant se déplacer sans surveillance directe de leurs propriétaires) dans des zones rurales d’Australie. Il décrit un modèle individu-centré se fondant sur des réseaux de contacts entre chiens (obtenus en utilisant des données de colliers GPS) et qui incorpore également des paramètres relatifs à des modifications comportementales associées à l’infection rabique (errance, augmentation du temps de contact, augmentation de la probabilité d’agression). Les résultats permettent de montrer que la rage ne semble pas pouvoir s’établir facilement, ni persister dans le temps au sein de ces populations de chiens (avec une proportion élevée de réintroductions sans aucun évènement de transmission secondaire). Les modifications comportementales semblent être des paramètres clefs pour expliquer la durée et la taille (nombre de chiens infecté) de l’épizootie avec une durée d’épizootie plus importante et un nombre de cas plus élevé lorsque ces paramètres sont ajoutés au modèle. Les résultats associés à ce modèle qui incorpore une hétérogénéité inter-individuelle et des modifications comportementales liées à la maladie rapportent la nécessité d’une couverture vaccinale de 90 % pour empêcher l’émergence de l’infection dans ces zones (taux de reproduction (Re) < 1), une valeur plus élevée que celle de 70 % classiquement présentée.
Pourquoi avoir choisi de mettre en avant cet article ?
Cette article s’intéresse à un phénomène d'introduction d’un agent pathogène dans des zones précédemment indemnes. De tels travaux restent peu nombreux pour le cas de la rage bien qu’ils fournissent des données utiles pour la gestion de cette maladie. Les résultats obtenus sont plutôt rassurants car ils montrent que cette zoonose majeure aurait du mal à s’établir dans de telles zones (même dans des populations de chiens pouvant divaguer) et que la vaccination est un très bon moyen de prévention. Cette équipe de chercheurs et chercheuses s’est posée également posée la question de l’impact d’une réintroduction de la rage dans des populations de dingos sauvages et les conclusions étaient similaires : absence de persistance malgré des épizooties plus longues et de plus grandes tailles en comparaisons aux populations de chiens domestiques (Gabriele-Rivet et al., PLOS Negl. Trop. Dis., 2021). De telles données sont utiles, notamment pour le décisionnaire en matière de santé animale, afin de choisir ou d’adapter les mesures visant à gérer ce risque d’émergence de la rage en zone indemne. Cet article apporte également des éléments nouveaux, par l’incorporation de modifications comportementales liée l’infection rabique dans le modèle, sur les paramètres clefs de persistance de la rage au sein de populations de chiens, phénomène qui reste encore mal compris à ce jour.
Y a-t-il des points abordés dans l’article qui vous ont laissé perplexe ou que vous auriez aimé voir plus développés ?
Les résultats présentés sont intéressants mais restent très théoriques car les modèles proposés ne sont pas validés avec des données réelles d’épizooties de rage au sein de populations de chiens. Cette validation est de toute façon impossible dans ce contexte car de telles données n’existent pas pour l’Australie (aucune introduction récente documentée). Cependant, des données de surveillance active de la rage chez le chien sont disponibles en Afrique (zone d’enzootie rabique) et il pourrait être intéressant de voir si un modèle qui inclut des modifications comportementales permet un meilleur ajustement aux données en comparaison à un modèle qui n’inclut pas ce niveau de détail. Il aurait également pu être intéressant d’étudier d’autres populations de chiens domestiques et de ne pas se limiter à des populations en zones rurales afin de voir si l’impact d’une réintroduction de la rage aurait été le même.
Merci à Guillaume Crozet (
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