Chaque mois, un épidémiologiste francophone de l’AEEMA met en avant un article scientifique de son choix.
Ce mois-ci, Mattias Delpont, post-doctorant dans l'équipe Epidesa de l'unité mixte de recherche ENVT-INRAE "Interactions Hôtes-Agents Pathogènes", vous propose l'article "A comparison of the efficacy of three intervention trial types : postal, group, and one-to-one facilitation, prior mangement and the impact of message framing and repeat messages on the flock prevalence of lameness in sheep" écrit par Claire Grant et al. et publié dans le journal Preventive Veterinary Medicine en 2018.
Cet article est disponible ici.
Pouvez-vous nous résumer brièvement l’article ?
Les affections locomotrices représentent un fardeau important pour l’élevage ovin, en particulier celles d’origine infectieuse comme le piétin. La maîtrise du piétin passe par l’application d’un ensemble de mesures de contrôle : identification, isolement et traitement des individus affectés par antibiothérapie injectable, soins topiques et absence de parage, et réforme en cas de récidives. L’objectif de ce travail est d’améliorer l’observance de ces mesures de contrôle chez des éleveurs anglais. Pour cela, trois interventions destinées à améliorer les connaissances sur ces mesures de contrôle ont été testées : via la distribution de prospectus par courrier postal (n=1081), lors de réunions de groupe (n=78) et lors d’entretiens individuels (n=32). Par ailleurs, ont été testés des messages orientés de manière positive ou négative, et des messages envoyés à plusieurs reprises. L’intervention par entretien individuel a été la plus efficace pour augmenter l’observance des bonnes pratiques et réduire les boiteries, suivie des réunions de groupes et enfin des envois postaux. Aucun effet particulier n’a pu être mis en évidence selon l’orientation positive ou négative des messages, ni en cas de messages répétés. Enfin, l’efficacité des interventions a été plus importante chez des éleveurs identifiés comme « lents à agir », en comparaison aux éleveurs « lents à agir et peu enclins à réformer les brebis ».
Pourquoi avoir choisi de mettre en avant cet article ?
Les études explorant les raisons qui poussent les éleveurs à mettre en place des mesures de protection sanitaire sont rarement suivies d’interventions prenant en compte ces résultats et évaluant rigoureusement l’efficacité de ces interventions. J’ai donc choisi de présenter une étude d’intervention qui propose de mener à terme une telle démarche. Elle fait suite à un travail identifiant des déterminants psycho-sociaux de l’observance des mesures de protection contre le piétin : le niveau de connaissances sur la transmission des infections podales, les émotions (colère, tristesse) et les attitudes liées au caractère traditionnel des pratiques. Les interventions proposées visent en conséquence à améliorer le niveau de connaissances et testent l’effet de l’orientation « positive » des messages donnés aux éleveurs. Par ailleurs, l’efficacité des interventions est testée à deux niveaux, à savoir l’application effective des pratiques, mais aussi l’évolution de la prévalence de boiteries. En outre, je soulignerais que l’ampleur donnée à cette étude est importante, avec 1191 participants. Il est important dans ce genre de projets de convertir des résultats de recherche en propositions et actions concrètes, afin de justifier auprès des parties prenantes leur utilité, facilitant au long terme l’interaction entre parties prenantes et épidémiologistes.
Y a-t-il des points abordés dans l’article qui vous ont laissé perplexe ou que vous auriez aimé voir plus développés ?
Les différentes interventions sont comparées chez des publics différents, n’ayant pas forcément la même capacité ni la même motivation à changer leurs pratiques. De ce fait, on peut douter de la capacité des auteurs à comparer rigoureusement l’efficacité de ces interventions. En effet, les éleveurs ciblés par les interventions l’ont été sur des critères différents. Les entretiens individuels n’ont été conduits que chez des éleveurs dont la prévalence initiale de boiteries était supérieure à 5%, ce qui leur laisse une plus grande marge de progrès, alors que des éleveurs chez qui la prévalence de boiteries était inférieur à 5% étaient inclus dans les autres groupes d’intervention.
Des voies de progrès basées sur une meilleure connaissance des bonnes pratiques de prévention ont été mises en évidence, mais le groupe d’éleveurs ayant le profil de pratiques « lents à agir et peu enclins à réformer les brebis » (à savoir le niveau d’observance le plus faible) a été moins enclin à changer ses pratiques que les autres groupes. Il serait intéressant de développer des méthodes d’intervention qui soient plus adaptées et efficaces chez ces éleveurs, probablement en allant au-delà des seules connaissances sur les bonnes pratiques de prévention.
Merci à Mattias Delpont (
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