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Chaque mois, un membre de l’AEEMA met en avant un article scientifique de son choix. photo Héléna
Ce mois-ci, Héléna Ladreyt, inspectrice de santé publique vétérinaire, doctorante en épidémiologie au sein de l'Anses de Maisons-Alfort, du CIRAD et de l'Institut Pasteur du Cambodge vous propose l’article «Prevalence and risk factors of Japanese encephalitis virus (JEV) in livestock and companion animal in high-risk areas in Malaysia» écrit par Kumar et al. et publié dans Tropical Animal Health and Production en 2017.
Cet article est disponible ici.
Pouvez-vous nous résumer brièvement l’article ?
L’encéphalite japonaise (EJ) est une arbovirose transmise par de nombreuses espèces de Culex. C’est la principale cause d’encéphalite humaine en Asie avec entre 50K et 175K cas par an, avec près de 15K morts par an. Selon l’OMS, plus de 3 milliards de personnes seraient actuellement exposées au risque. L’EJ est endémique en Malaisie. La plupart des études dans le pays concernaient jusqu’alors les moustiques vecteurs et l’Homme. Les auteurs ont mené une étude transversale sur deux périodes entre décembre 2015 et août 2016 en Malaisie occidentale, afin d’estimer la séroprévalence de l’EJ chez plusieurs espèces animales et mettre en évidence des facteurs de risque de l’infection. 416 sérums ont été prélevés et testés en ELISA IgG et des questionnaires sur les caractéristiques des différents animaux et les facteurs environnementaux ont été adressés aux éleveurs. Les chiens étaient les plus exposés à l’EJ avec 80% de séroprévalence, suivis des cochons (44,4%), des vaches (32,2%), des oiseaux (28,9%), des chats (14,4%) puis des singes (14,3%). L’âge des animaux était un facteur de risque récurrent chez toutes les espèces (sauf chez les chiens), les jeunes étant plus exposés que les adultes, sauf chez les singes où les adultes étaient les plus exposés. La présence d’ardéidés, considérés dans la littérature comme le principal réservoir de l’EJ, était un facteur de risque significatif uniquement pour les singes.
Pourquoi avoir choisi de mettre en avant cet article ?
Il est souvent admis que l’EJ combine deux cycles épidémiologiques : l’un sylvatique impliquant les oiseaux sauvages, notamment ardéidés, et l’autre domestique impliquant les porcs d’élevage, principaux hôtes amplificateurs. Même si les études concernant les porcs sont nombreuses, l’affirmation des oiseaux sauvages comme principaux réservoirs de l’EJ est fondée sur peu d’études dont la principale citée date de 1959. Or, les conditions éco-climatiques évoluent et certaines zones où l’EJ circule intensément (par exemple au Cambodge) sont très peu peuplées en ardéidés. Pourquoi la circulation est si forte alors que le principal réservoir admis par la littérature est quasiment absent du territoire ?
Cette étude soulève clairement l’hypothèse de l’implication d’autres espèces dans l’épidémiologie de l’EJ. Ces espèces (chiens, vaches, poulets, canards) sont fortement exposées mais ne sont pas considérées comme jouant un rôle dans le cycle épidémiologique. La plupart n’ont en fait pas encore fait l’objet d’étude quant à leur éventuelle implication dans le cycle (réservoir, hôte amplificateur ou simple hôte cul-de-sac ?), ou quand ces études existent, elles sont parfois contradictoires d’un pays ou d’une région à l’autre. Cette étude fait en quelques sortes le bilan des espèces exposées et rappelle ainsi l’intérêt de s’y pencher pour comprendre leur éventuel rôle dans le cycle, afin de mettre en place des mesures de gestion les plus adaptées possibles.
Y a-t-il des points abordés dans l’article qui vous ont laissé perplexe ou que vous auriez aimé voir plus développés ?
Les auteurs ne discutent pas de la qualité des kits ELISA qu’ils utilisent pour cette étude. Même s’ils ont surement fait l’hypothèse que ce flavivirus avait de grandes chances d’être le VEJ car le pays est endémique, les réactions croisées entre fliavivirus sont extrêmement fréquentes. Rien ne nous assure que la séroprévalence présentée soit bel et bien celle de l’EJ.
Ensuite, dans les résultats et la discussion, les auteurs parlent de séroprévalence des « oiseaux » sans différencier les oiseaux sauvages des oiseaux domestiques. La discussion affirme cependant que les oiseaux aquatiques (ardéidés) étaient plus exposés que les poulets domestiques. Il aurait été intéressant d’avoir le détail de la séroprévalence et des facteurs de risque de ces deux espèces.
On lit dans l’abstract et en conclusion que les taux de séroprévalence de l’EJ étaient élevés dans les zones où les oiseaux migrateurs étaient présents. Or dans les résultats, la présence d’ardéidés (c’était bien l’un des facteurs de risque inclus dans le questionnaire), est uniquement significative (P= 0.014) pour la séroprévalence des singes et est non significative pour les 5 autres espèces prélevées. Les auteurs rappellent de plus que les ardéidés ont été démontrés hôtes amplificateurs en citant un article récent (2014) qui lui-même cite l’étude de 1959 pour affirmer cela. Les conditions ont cependant pu évoluer depuis, modifiant peut-être le rôle des oiseaux sauvages dans le cycle épidémiologique de l’EJ.
Merci à Héléna Ladreyt (
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