Chaque mois, un membre de l’AEEMA met en avant un article scientifique de son choix.
Ce mois-ci, Mathilde Paul, Maître de conférences en épidémiologie à l’ENVT et membre de l'UMR ENVT-INRA "Interactions Hôtes - Agents Pathogènes" (IHAP), vous propose l’article «Catch 22: Biosecurity awareness, interpretation and practice amongst poultry catchers» écrit par Millman et al. et publié dans Preventive Veterinary Medicine en 2017.
Cet article est disponible ici.
Pouvez-vous nous résumer brièvement l’article ?
Cet article analyse les connaissances et les pratiques en matière de biosécurité auprès d’un groupe particulier d’intervenants en élevage de volailles en Grande-Bretagne. 53 attrapeurs, chargés du ramassage des volailles dans le bâtiment en vue du départ pour l’abattoir, ont été étudiés. L’objectif de ce travail est d’analyser les différents freins à la mise en œuvre de bonnes pratiques de biosécurité, ainsi que l’effet de la formation sur les connaissances et les pratiques des personnes interrogées. Les connaissances ont été évaluées en utilisant un outil numérique interactif du type « watch-and-click » (jeu des erreurs basé sur la vidéo) ; un score a été attribué à chaque attrapeur en fonction du nombre d’erreurs qu’il avait correctement repéré sur la vidéo. Une approche qualitative, basée sur des entretiens individuels et en groupe, a été utilisée pour étudier la perception de la biosécurité par les personnes enquêtées.
Les résultats de l’évaluation numérique montrent que beaucoup des attrapeurs ont de bonnes connaissances des mesures de biosécurité en élevage, et sont capables d’identifier les failles de biosécurité. Les auteurs mettent également en évidence un lien statistique entre la capacité à identifier les erreurs de biosécurité, et le niveau de formation reçu sur ce même sujet. Les principaux freins à l’observance des pratiques de biosécurité identifiés à travers l’analyse thématique des entretiens sont l’absence d’un équipement adéquat (par exemple accès à l’eau pour le nettoyage), les contraintes de temps, et l’absence d’effet visible d’un changement de pratiques (pas de différence constatée en élevage par les acteurs sur le terrain, malgré l’amélioration de leurs pratiques de biosécurité : « ni mieux ni pire »).
Pourquoi avoir choisi de mettre en avant cet article ?
La gestion de la biosécurité est une question d’actualité en France, notamment dans les filières avicoles, et sur laquelle nous travaillons dans l’équipe. L’originalité de ce travail tient notamment au fait qu’il s’intéresse à une catégorie d’acteurs en élevage très peu étudiée jusque-là. La plupart des travaux publiés à ce jour sur les pratiques de biosécurité, toutes espèces confondues, s’intéresse aux éleveurs et personnel d’élevage. D’autres acteurs, dont les attrapeurs ne sont qu’un exemple, jouent pourtant un rôle épidémiologique important dans la connectivité des élevages, ainsi que dans l’introduction et la dispersion potentielle d’agents pathogènes. L’approche utilisée, combinant approche quantitative et qualitative, permet d’objectiver les connaissances tout en discutant finement les différents freins énoncés par les acteurs. Les verbatim présentés dans l’article illustrent bien tout le défi que représente l’observance des pratiques de biosécurité en élevage. Même lorsque les acteurs de l’élevage ont connaissance des bonnes pratiques, un grand nombre de freins persistent sur la mise en œuvre effective de ces pratiques.
Y a-t-il des points abordés dans l’article qui vous ont laissé perplexe ou que vous auriez aimé voir plus développés ?
L’effet du lien entre formation et pratiques de biosécurité est abordé dans l’article, mais pourrait faire l’objet d’une étude plus approfondie. La variable introduite dans l’analyse (formation : oui/non) permet d’identifier un lien statistique, mais ne permet pas de comprendre de manière détaillée quelles composantes de la formation permettent d’influencer véritablement l’observance. Les entretiens soulignent différentes facettes de la formation reçue (formation formelle/informelle, rôle joué par les pairs, équilibre théorie et pratique, …) qui sont peu exploitées dans l’analyse statistique. Dans une visée opérationnelle, l’effet de la formation sur le changement de pratiques demande à être étudié plus en détails.
Merci à Mathilde Paul (
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