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Tarifs AEEMA pour 2024                                Tariff AEEMA for 2024

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JOURNÉE AEEMA – 1er JUIN 2023 : ADAPTATION DE L’APPROCHE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DES MALADIES ANIMALES FACE AUX CHANGEMENTS GLOBAUX

Introduction à la Journée du 1er juin 2023
Hendrikx Pascal
Le risque de maladies infectieuses animales et humaines est en constante progression depuis une soixantaine d’années. L’apparition de la plupart de ces événements infectieux provoque un effet de surprise pour les autorités sanitaires comme pour la population générale. Cette surprise s’accompagne d’un sentiment de mise en échec de nos méthodes et outils en matière d’épidémiologie. Force est de constater que cette évolution du risque est corrélée à des changement globaux touchant notamment le climat, l’environnement et les comportements humains. La journée thématique de l’AEEMA a ainsi permis d’illustrer par des exemples de maladies infectieuses les nécessaires adaptations des approches épidémiologiques face à ces changements globaux. Pour cela, les interventions se sont appuyées sur les différents compartiments de l’épisystème des maladies infectieuses.
 
Changements globaux et conséquences sur le risque infectieux animal et humain. Implications pour les sciences vétérinaires
Guégan Jean-François
Les changements globaux influent aujourd’hui sur les écosystèmes naturels et leur diversité biologique. Ces changements viennent modifier les équilibres dynamiques des espèces et perturbent en particulier les cycles de transmission d’agents parasitaires et microbiens. Des changements climatiques qui favorisent l’installation d’espèces vectrices ou d’hôtes réservoirs d’agents pathogènes aux échanges internationaux de biens, d’animaux et de personnes qui embarquent une multitude de « micro-passagers clandestins », cet article discute de l’importance d’une meilleure prise en compte de ces externalités dans la compréhension et la gestion des risques sanitaires humains et animaux, actuels et futurs.
J’apporte un regard critique sur le manque considérable, dans la bibliographie internationale en santé animale, de travaux de synthèse et comparatifs, permettant de jeter les bases d’une stratégie de recherche globale. Je commente à propos du temps de la recherche nécessaire pour obtenir des résultats solides dans un contexte actuel de forte volatilité des produits de la recherche et d’une science actuelle devenue événementielle et court-termiste. Je conclus sur l’importance pour la recherche, esclave d’une vision réductionniste ambiante, et en particulier pour celle traitant des conséquences des changements globaux, de devoir reprendre le contrôle de son emploi du temps, en positionnant la surveillance en santé animale, l’acquisition de données adéquates et sériées et leurs analyses au cœur du dispositif de sécurité sanitaire national et international.
 
Mondialisation des systèmes alimentaires et changements humains globaux – MOND’Alim 2030
Hugonnet Mickaël
Cette communication vise à caractériser la phase que nous connaissons actuellement de mondialisation des systèmes alimentaires, entendus comme « la manière dont les hommes s’organisent dans l’espace et dans le temps pour obtenir et consommer leur nourriture » [Malassis, 1976]. Elle documente les dynamiques à l’œuvre, envisage leur prolongement d’ici 2030 et identifie un certain nombre de ruptures déjà en germes. Elle explore six thématiques : évolutions des conduites et des modèles alimentaires ; dynamiques du commerce international ; internationalisation de la recherche, des bases de données et des innovations ; mondialisation des risques et des problèmes publics ; acteurs publics et privés de la mondialisation ; enjeux et tendances en matière de gouvernance.
 
Changements globaux et maladies à transmission vectorielle
Balenghien Thomas
Depuis plusieurs décennies, les exemples d’émergence ou de recrudescence de maladies à transmission vectorielle se multiplient. La stabilité de leurs situations épidémiologiques résulte de celle des interactions complexes entre les populations d’agents infectieux, d’hôtes vertébrés, et de vecteurs. Particulièrement sensibles à l’environnement, ces interactions se modifient fortement sous l’impact des changements globaux. Ainsi, les facteurs socio-démographiques (déplacements de population, conflits armés, « mondialisation » des échanges, augmentation de la population mondiale, évolution des pratiques humaines), et les modifications de l’environnement par l’être humain, impactent la transmission des maladies à transmission vectorielle de façon directe, évidente et majeure.
En revanche, le lien entre températures et transmission vectorielle n’étant pas linéaire, leur augmentation globale actuelle pourrait avoir des effets contradictoires selon les régions et les maladies, effets dont la prévision reste difficile. Dans ce contexte, les autorités sanitaires sont confrontées à la question d’inclure une composante entomologique aux plans de surveillance des maladies à transmission vectorielle ; composante, dont l’intérêt dépend de la maladie et du contexte épidémiologique.
 
Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) : changement de visage et nécessité d’une adaptation pragmatique
Scoizec Axelle, Niqueux Éric, Schmitz Audrey, Grasland Béatrice, Palumbo Loïc, Huneau-Salaün Adeline et Le Bouquin Sophie
Ces dernières années, l’Europe et la France ont fait face à des changements importants de leur situation vis-à-vis de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Depuis l’émergence de panzooties liées aux virus de clade 2.3.4.4b, les vagues saisonnières d’IAHP se sont succédées pour devenir annuelles et ces dernières années une endémisation de ces virus dans l’avifaune sauvage en Europe et en France semble se confirmer. Une grande variété d’espèces d’oiseaux sauvages sont impliqués, et plusieurs de ces populations ont été touchées par des épisodes de surmortalité massive jamais rencontrés dans le passé. Sur le terrain, des adaptations ont dû être mises en place pour la gestion de ces épisodes de surmortalité dans l’avifaune sauvage, pour le suivi de ceux-ci et plus largement pour la surveillance de la circulation de l’IAHP dans ce compartiment. L’impact de ces changements et de ces nouvelles souches virales sur les élevages avicoles a été majeur : multiplication des épizooties, débordement des capacités de gestion et de contrôle dans les zones de très fortes densités de populations de volailles, atteinte de nouvelles zones géographiques, de nouvelles filières avicoles, etc.
Pour faire face, de nouveaux moyens de prévention et de lutte ont été, ou sont envisagés d’être, mis en œuvre : baisse drastique des densités de populations de volailles les plus réceptives vis-à-vis de ces virus, amélioration de la détection précoce dans les élevages avicoles, recours à venir à la vaccination, etc. Ces souches virales représentent également un risque zoonotique qui augmente : nombreux passages de la barrière d’espèces vers des mammifères, détectés dans le monde, et une grande capacité de réassortiment de ces souches virales. En réaction : une surveillance des mammifères sauvages, terrestres et marins, a donc été mise en place en France et un protocole a été élaboré. Pour le volet humain, des messages de prévention ont été adressés aux populations les plus exposées, la vaccination contre la grippe saisonnière humaine a été recommandée à celles-ci et une surveillance de ces populations est en cours de renforcement et de déploiement
 
Expansion des maladies à tiques, implication de la société civile dans la surveillance (sciences participatives) et développement d’outils innovants pour leur détection
Moutailler Sara, Bournez Laure et Durand Jonas
Les tiques sont les premiers vecteurs d’agents pathogènes en Europe et transmettent plus d'agents pathogènes comparativement aux autres arthropodes (environ 60 bactéries, 30 parasites et 100 virus identifiés ; un tiers d'entre eux sont responsables de zoonoses). En raison de l'augmentation des déplacements des biens et des personnes d’un côté, des changements climatiques et environnementaux de l’autre, l'incidence des maladies transmises par les tiques chez les humains et les animaux augmente dans le monde entier.
Il est donc souhaitable de disposer d'outils de surveillance étendus pour mieux contrôler les tiques et les agents pathogènes qu’elles transmettent. Dans ce but, différents projets de sciences participatives ont vu le jour à travers le monde. De plus, de nouveaux outils de biologie moléculaire à haut débit (PCR micro-fluidiques en temps réel) ont été mis en œuvre afin de détecter 65 bactéries, six genres de bactéries, 28 espèces de parasites, 53 virus et huit espèces de tiques, pour mieux identifier le risque lié à ces arthropodes.
 
Modification des paysages et maladies émergentes : le cas des chauves-souris
Moutou François
Avec plus de 1 400 espèces décrites, l’ordre des chiroptères représente le deuxième ordre de mammifères en diversité spécifique, après les rongeurs mais devant tous les autres. Les chauves-souris ne sont entrées qu’assez récemment dans le champ des questions liées à la santé publique. Leurs facilités de déplacement leur permettent, d’une part, de fuir des zones naturelles rendues inhospitalières et, d’autre part, de trouver rapidement de nouveaux habitats favorables, y compris ceux créés par les humains comme les parcs urbains ou les vergers, favorables aux roussettes frugivores.
C’est ainsi que l’on explique le contexte de l’émergence des contaminations humaines par le virus Hendra en Australie ainsi que les premiers cas connus d’infection par le virus Nipah en Malaisie et à Singapour, durant les années 1990 dans les deux cas. Étudier de petits mammifères volants et nocturnes passe par le développement de méthodes particulières et la mise au point d’outils différents de celles et de ceux utilisés pour les espèces terrestres. Une bonne maîtrise des risques sanitaires associés en découle. Quelques exemples de projets associés à ces systèmes, ainsi que leurs limites, sont évoqués.
 
Face à de nombreux stress, de nouveaux outils sont utilisés dans les suivis de terrain pour évaluer la santé des pollinisateurs
Chauzat Marie-Pierre, Sanson Caroline, Druesne Christine et Laurent Marion
Grâce au service écosystémique de pollinisation qu’ils offrent, les insectes pollinisateurs, qui sont en déclin, sont des acteurs clé de la conservation de la biodiversité. Les changements globaux et notamment les modifications de l’environnement, entraînent depuis une vingtaine d’années un déclin marqué de ces insectes pollinisateurs. Pour mieux connaitre les méthodes appliquées et les résultats des suivis de terrain mis en place pour étudier les causes de ce déclin, une étude bibliographique exhaustive a été réalisée. Les suivis de terrain sont conduits pour la plupart sur des colonies d’abeilles mellifères avec l’intégration récente d’autres espèces de pollinisateurs.
Le spectre des facteurs étudiés s’élargit avec le temps en augmentant le nombre de molécules recherchées dans les matrices, en diversifiant les matrices prélevées et en s’intéressant aux interactions sur le terrain. Par ailleurs, le panel des outils utilisés pour mesurer les différents paramètres liés à la santé des colonies s’agrandit en incluant la méthode ColEval qui permet de quantifier la population et les réserves dans les colonies d’abeilles, les compteurs d’entrées et de sorties des ouvrières ainsi que les capteurs à pesticides.
Ces études longues dans le temps et étendues dans l’espace nécessitent des ressources matérielles et humaines importantes, notamment pour le suivi des populations et les analyses ultérieures. Cependant, elles produisent des informations indispensables sur la santé des pollinisateurs sur le terrain, pour mieux comprendre l’impact des changements globaux auxquels ils sont soumis.
 
Synthèse des changements et des nécessités d'adaptation pour lutter contre les maladies animales  
Angot Jean-Luc
Dans un contexte mondial en pleine évolution, il est indispensable d’adapter la lutte contre les maladies animales. Les profonds changements globaux que nous constatons rendent nécessaire le développement de nouvelles approches et de nouveaux outils, dans un cadre pluridisciplinaire et intersectoriel.
Il s’agit en particulier de mettre en œuvre concrètement le concept One Health/Une seule santé.

 

JOURNÉE AEEMA - 2 JUIN 2023 - COMMUNICATION LIBRE

La dynamique d’infection virale intra-vecteur questionne une hypothèse courante en modélisation des maladies vectorielles
Loisel Léa, Viginier Barbara, Raquin Vincent, Ratinier Maxime, Ezanno Pauline et Beaunée Gaël
La transmission d’un arbovirus est un processus complexe, allant de la dynamique d’infection virale intra-vecteur (DIV) à la propagation du virus dans les populations d’hôtes. La DIV est peu étudiée en modélisation chez les moustiques. Généralement, les modèles de transmission vectorielle ne représentent pas explicitement la DIV mais considèrent une durée moyenne de la période d’incubation extrinsèque, supposant une distribution exponentielle de cette durée dans la population.
Pour étudier la validité de cette hypothèse majeure et extrêmement courante, nous avons développé un modèle stochastique à compartiments représentant deux des étapes de la DIV : l’infection du moustique puis la dissémination du virus dans celui-ci. Nous avons calibré ce modèle avec des données d’infections expérimentales d’Aedes albopictus et Aedes aegypti par trois arbovirus majeurs : le virus de la dengue, le virus du chikungunya et le virus Zika.
Nous avons mis en évidence des différences marquées dans les DIV des trois virus, avec notamment une distribution non exponentielle des durées dans l’état infecté pour le virus Zika et le virus de la dengue. L’hypothèse exponentielle n’est donc pas toujours pertinente, ce qui pourrait pénaliser les prévisions des modèles épidémiologiques utilisés pour évaluer les mesures de maîtrise des arboviroses zoonotiques.
 

POINT DE VUE

Quelle gouvernance et quelles priorités pour une prise en compte appropriée des enjeux de biodiversité et de santé dans les politiques publiques ?
Durand Thierry
Biodiversité et santé ont destins liés et dire que « Notre santé dépend de la biodiversité » relève d’une évidence, confirmée par la littérature scientifique. Les altérations fonctionnelles des écosystèmes peuvent avoir pour effet une perte notable de services écosystémiques, et une altération des santés humaine, animale et écosystémique. Le défi qui s’impose face au changement climatique, à l’effondrement de la biodiversité et à la dégradation des paramètres de santé : positionner la santé-biodiversité au cœur des politiques publiques.
Pour ce faire, plusieurs axes d’intervention : un ajustement du positionnement et de la gouvernance du PNSE, une évolution notable des politiques de connaissance relatives à la santé des écosystèmes et aux services écosystémiques, une refonte de l’organisation de la recherche imposant plus d’interdisciplinarité, une stratégie renforcée d’évaluation des plans, programmes et projets et une plus forte territorialisation de la stratégie nationale, encourageant la création de « territoires une seule santé »; telles sont les principales recommandations à court terme. Cet incontournable changement de cap doit s’accompagner d’engagements forts, de moyens publics à la hauteur des enjeux et de nouveaux paradigmes, imposant les trois santés, la solidarité écologique, l’interdisciplinarité et l’intelligence collective au cœur des systèmes de valeurs.

 

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