Look here at the => ABSTRACTS
 
Barbara Dufour
 
JOURNÉE AEEMA - 31 MAI 2018 : Acceptabilité des mesures de lutte contre les maladies transmissibles
 
Dufour Barbara, Rivière Julie & Gardon Sébastien
L’acceptabilité est un concept vaste qui comprend de nombreuses acceptions (acceptabilité au sens large, acceptabilité sociale, acceptabilité scientifique…). Dans le cadre de la journée scientifique de l’AEEMA du 31 mai 2018, l’accent a été porté sur l’acceptabilité des mesures de lutte collective contre des maladies transmissibles, animales ou humaines. Que ce soit pendant la phase d’élaboration d’un plan de lutte, de sa mise en œuvre sur le terrain ou de son évaluation en vue de l’adaptation éventuelle des mesures, les nombreux acteurs qui participent à ces différentes phases (État, éleveurs, vétérinaires, personnels de laboratoires, scientifiques…) peuvent, à un moment ou à un autre, percevoir certaines décisions ou certaines mesures comme difficilement acceptables (voire inacceptables) ou difficilement réalisables. Le grand public peut également, dans certains cas, et notamment en fonction des impacts médiatiques, avoir une perception négative de certaines mesures scientifiquement justifiables (par exemple les abattages massifs d’animaux pour limiter la diffusion des maladies très contagieuses). L’acceptabilité des mesures par l’ensemble des acteurs concernés constitue donc un point critique essentiel à la mise en œuvre d’une lutte collective, dans la mesure où l’inacceptabilité des objectifs, des méthodes ou des outils de la lutte peut conduire à leur rejet partiel ou total, et peut donc limiter, voire compromettre, les efforts d’une lutte collective.
Les déterminants de l’acceptabilité sont à la fois d’ordre technique, économique, politique ou socio-psychologique. Les méthodes pour estimer l’acceptabilité et ses conséquences sur un plan de lutte peuvent être issues des domaines de la sociologie, de l’épidémiologie ou de l’économie. Enfin, les moyens pour améliorer l’acceptabilité de mesures sont la concertation avec toutes les parties prenantes dans la phase d’élaboration du plan de lutte, l’écoute régulière des acteurs de terrain et la prise en compte de la perception du grand public au sujet des difficultés ressenties ainsi que leur intégration lors de la mise en œuvre du plan ; et, bien sûr, la communication sur les objectifs, les méthodes et les outils nécessaires (avec leurs limites) pour en faciliter la compréhension et l’appropriation par chacun des acteurs concernés.
 
Arpin Isabelle
Des mesures de lutte sanitaire, dont un abattage massif des bouquetins, ont été mises en œuvre après la découverte en 2012 d’une enzootie de brucellose dans la population de bouquetins du massif du Bargy. Elles ont suscité de vives réactions, venues pour des raisons différentes à la fois des milieux professionnels agricoles et des milieux de la conservation de la nature. Étudier ces réactions permet de saisir comment la brucellose des bouquetins du Bargy ébranle plusieurs systèmes sociotechniques : le dispositif de lutte sanitaire lui-même mais aussi deux systèmes plus anciens, qui s’étaient développés séparément et que la brucellose a brutalement mis en lien. L’un vise à produire des fromages à base de lait cru à grande échelle et l’autre à conserver les espèces menacées, dont les bouquetins. Des conceptions partiellement divergentes de la santé se sont développées dans chacun d’eux mais les solutions adoptées pour maintenir et augmenter la santé, la protection totale comme l’éradication totale des individus malades ou susceptibles de l’être, se révèlent également impossibles dans le cas de la brucellose des bouquetins du Bargy. Celle-ci amène en particulier à redéfinir les caractéristiques des animaux qui comptent dans leur conservation, en ajoutant aux critères démographiques classiques des critères génétiques et d’immunocompétence et à réfléchir à quelles conditions les humains et les animaux peuvent vivre avec des agents pathogènes.
 
Quelet Sylvie, Gautier Arnaud & Jestin Christine
Les résultats de différentes enquêtes montrent que l'adhésion à la vaccination des nourrissons est un phénomène complexe, mettant en jeu plusieurs déterminants sociodémographiques à prendre en compte pour lever les réticences et redonner confiance dans la vaccination.
 
Paul Mathilde, Delpont Mattias, Racicot Manon, Guérin Jean-Luc & Vaillancourt Jean-Pierre
Les mesures de biosécurité ont fait l’objet d’une attention particulière dans les filières avicoles suite aux deux émergences successives d’influenza aviaire hautement pathogène H5 survenues en France au cours des hivers 2015-2016 puis 2016-2017. L’épizootie d’influenza H5N8 de 2016-2017 a tout particulièrement mis en lumière les difficultés liées à l’observance des pratiques de biosécurité, c’est-à-dire le décalage existant entre les recommandations et les pratiques observées en élevage. L’analyse de la littérature scientifique montre que, outre des facteurs structurels (organisation des sites de production) et financiers (investissements requis), les facteurs psycho-sociaux jouent un rôle important sur les comportements adoptés en matière de biosécurité. Ces derniers incluent les croyances et les attitudes face à la biosécurité, les normes sociales (influence de l’entourage), le sentiment d’auto-efficacité (croyances quant aux capacités à réaliser des performances particulières), la perception du risque et les traits de personnalité.
 
Gully Sarah & Hamelin Estelle
La tuberculose bovine est une maladie transmissible principalement due à Mycobacterium bovis, dont la surveillance et le contrôle reposent principalement sur son dépistage en élevage bovin, par intradermotuberculination. L’objectif de l’étude était d’étudier les pratiques des vétérinaires sanitaires vis-à-vis de la tuberculose bovine dans les départements français où la prévalence est la plus forte. Ce travail a reposé sur une approche sociologique de la mise en place d’une action régalienne : l’application de la politique publique de lutte contre la tuberculose bovine, dans le but d’évaluer son acceptabilité par les acteurs du terrain. Afin de répondre à cette problématique, nous avons choisi de réaliser une enquête sociologique qualitative auprès des vétérinaires sanitaires en réalisant des entretiens semi-directifs et, lorsque cela c’était possible, des observations de réalisation de l’acte d’intradermotuberculination. Au total, 42 vétérinaires sanitaires ont été rencontrés dans quatre départements (Côte-d’Or, Dordogne, Pyrénées-Atlantiques, Landes). Dans les discours, nous avons identifié des facteurs d’inacceptabilité d’ordre technique, comme la dangerosité, le temps nécessaire à la réalisation du dépistage et la spécificité des tests ; économique (rémunération de l’acte) ; et socio-psychologique, comme le positionnement difficile entre vétérinaire libéral et sanitaire, le relationnel avec les éleveurs et avec la DDecPP. Les principaux facteurs d’acceptabilité identifiés étaient d’ordre économique (rémunération, maintien du statut indemne pour l’exportation d’animaux vivants) et socio-psychologique, notamment l’importance du sens accordé par les vétérinaires à la lutte contre la tuberculose en tant que maladie zoonotique, leur conscience professionnelle et l’importance de la relation avec les éleveurs de leur clientèle et avec la DDecPP. Ainsi, certains facteurs peuvent être perçus, selon les contextes locaux, comme des facteurs favorisants ou défavorisants vis-à-vis de la lutte contre la tuberculose. Cette étude a permis la formulation de préconisations en vue de favoriser l’acceptabilité par les vétérinaires sanitaires de l’intradermotuberculination comme méthode de dépistage de la tuberculose.
 
Calba Clémentine, Peyre Marisa, Roger François, Antoine-Moussiaux Nicolas, Hendrikx Pascal, Saegerman Claude & Goutard Flavie Luce
Les systèmes de surveillance épidémiologique reposent sur des réseaux d’acteurs qui échangent des informations de manière multidirectionnelle. Les facteurs socio-économiques influençant leur prise de décision à transmettre ou non une information doivent être pris en considération, notamment dans le cadre de l’évaluation. La méthode AccePT (Acceptability Participatory Toolkit), fondée sur des approches participatives, a été développée pour estimer l’acceptabilité des systèmes de surveillance en prenant en considération la confiance des acteurs, l’acceptabilité de l’objectif du dispositif et de son fonctionnement. Elle repose sur la mise en place de trois outils au cours d’entretiens ouverts avec des représentants de l’ensemble des acteurs impliqués dans le dispositif. Cette méthode permet de formuler des recommandations fondées sur le contexte et prenant en considération les perceptions, attentes et besoins des différents acteurs.
 
Fourcadet Olivier
Lorsque les consommateurs prennent connaissance d’un événement susceptible de nuire à leur santé, comme une annonce dans la presse que trois bovins ont été dépistés positifs à l’ESB, ils forment un jugement sur leur degré d’exposition. Ils élaborent alors des stratégies d’évitement - arrêt de la consommation - ou d’acceptation selon leur perception de celui-ci. Dans le cas du choix d’évitement, lequel n’est, dans leur esprit, que temporaire, la persévérance de leur choix dépendra de leur perception des mesures de lutte mises en œuvre par les pouvoirs publics afin d’assurer la qualité sanitaire des denrées alimentaires. Sous quelles conditions sont-ils prêts à accepter de consommer à nouveau de la viande ? L’auteur explore les schémas cognitifs (et émotionnels) des consommateurs en situation fictive. Ce travail, réalisé à la demande du Conseil national de l’alimentation, suggère que les consommateurs forment des représentations mentales différentes selon leur génération d’appartenance au moment des crises des années 1990 et donc que leurs réponses sont substantiellement différentes entre deux générations. Des pistes d’actions de communication sont présentées afin de favoriser l’adoption de mesures visant à restaurer la confiance et la consommation.
 
Marsot Maud, Rautureau Séverine, Dufour Barbara & Durand Benoît
Comparer des stratégies de lutte contre des maladies infectieuses permet de déterminer les stratégies optimales en fonction de leurs impacts. Cependant, le choix d’une stratégie de lutte peut dépendre d’autres paramètres, comme l’acceptabilité des mesures par l’opinion publique. L’objectif était d’analyser le choix d’une stratégie de lutte contre la fièvre aphteuse comme un processus de décision « collective » dans lequel le décideur subit plusieurs sources d’influence. Nous avons déterminé comment, en France, la stratégie optimale peut varier en fonction du poids relatif accordé à chaque partie prenante. Les moyennes des coûts publics (État), des pertes à l’export (industries agro-alimentaires) et du nombre d’élevages dont les animaux ont été abattus (opinion publique) à la suite d’épizooties de fièvre aphteuse simulées ont été calculées pour comparer sept stratégies au niveau régional. Nous avons ainsi montré que la stratégie optimale choisie au cours du processus de décision peut varier en fonction de la région considérée et de l’importance donnée à chaque partie prenante.
 
Hébel Pascale
Pour agir sur les comportements des individus, les pouvoirs publics disposent traditionnellement de plusieurs types d’outils : les campagnes d’information et de sensibilisation, la taxation, l’incitation financière, la législation (interdiction, régulation) et l’exemplarité institutionnelle ou politique (commande publique). Ces outils s’avèrent de moins en moins efficaces en raison de la surabondance d’informations et du manque de confiance accordée aux institutions. De nouveaux outils empruntés au marketing sont de plus en plus utilisés dans le domaine de la santé publique. C’est le cas par exemple des politiques nutritionnelles qui ont testé le système Nutri-score plus efficace que les étiquetages classiques.
 
 
JOURNÉE AEEMA - 1er JUIN 2018 : Communications
 
Bourély Clémence, Fortané Nicolas, Calavas Didier, Leblond Agnès & Gay Émilie
Depuis avril 2016, le décret n°2016-317 impose en médecine vétérinaire la réalisation d’un antibiogramme en préalable à la prescription des antibiotiques d’importance critique (fluoroquinolones et céphalosporines de dernières générations). L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact de ce décret et en particulier son acceptabilité auprès des prescripteurs. Une enquête sociologique fondée sur des entretiens semi-directifs a été réalisée dans cinq régions françaises considérées comme des bassins de production pour les filières étudiées : Bretagne, Normandie, Pays-de-la-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté. Au total, 66 vétérinaires exerçant en filière bovine (20), équine (19), porcine (16) et avicole (11) ont été interrogés. Les entretiens ont été traités par une analyse thématique de contenu. Au lieu d’accroître leur recours à l’antibiogramme, les vétérinaires témoignent avoir révisé leurs pratiques de prescription pour réduire leurs usages d’antibiotiques d’importance critique. Bien qu’imposant une restriction, le décret a été bien accepté par les enquêtés car il était attendu, avait été anticipé et que les vétérinaires le créditaient d’une légitimité pour lutter contre les mésusages d’antibiotiques en élevage. Plus largement, les vétérinaires interrogés se sont appropriés le décret pour renforcer ou redéfinir leur rôle, dans un contexte de changement de paradigme de la profession et d’évolution des pratiques.
 
Lesueur Jérémy, Ayral Florence, Dossou Joël, Dossou Sylvestre, Etougbetche Jonas, Agossou David, Houemenou Gualbert, Dobigny Gauthier & Bicout Dominique J.
Rattus rattus est le réservoir de nombreux agents pathogènes zoonotiques en Afrique de l’Ouest. Evaluer le risque d’exposition de l’Homme à ces agents pathogènes nécessite, au préalable, de comprendre la dynamique de population de Rattus rattus. À cette fin, un modèle à compartiments décrivant l’évolution de la population en trois stades consécutifs : juvénile, subadulte et adulte, a été développé. Les paramètres du modèle ont été estimés à partir de données issues de trois sessions de capture menées dans trois quartiers de Cotonou, capitale économique du Bénin. Les résultats des simulations montrent que les populations de Rattus rattus oscillent au cours du temps, du fait de la rythmicité des mises bas. Ces oscillations revêtent une importance particulière dans le cadre d’une surveillance épidémiologique car elles peuvent influer sur les prévalences de la leptospirose observées chez Rattus rattus.
 
Poirier Valentine, Rivière Julie, Praud Anne, Gardon Sébastien & Dufour Barbara
Parmi les méthodes existantes d’évaluation des dispositifs de surveillance en santé animale, la modélisation stochastique par arbre de scénarios présente l’avantage de permettre une estimation de la sensibilité, de la spécificité et des coûts des différentes composantes d’un dispositif, en utilisant des sources de données diverses et de nature différente. Toutefois, compte tenu de la difficulté à recueillir des données d’ordre sociologique (comme le non-respect des mesures réglementaires, la qualité de la réalisation des tests de dépistage par les acteurs concernés...) et à les intégrer à l’évaluation d’autres attributs quantitatifs, il est courant d’estimer ces facteurs psycho-sociaux séparément et de ne pas les prendre en compte dans les modèles quantitatifs, alors qu’ils peuvent avoir un impact important sur l’efficacité d’un dispositif. L’exemple de la surveillance en élevage de la tuberculose bovine nous a permis de dégager quatre étapes permettant de prendre en compte certains de ces facteurs psycho-sociaux, afin de modéliser au mieux les conditions de terrain : dans un premier temps, des enquêtes sociologiques sur le terrain permettent de recueillir des données qualitatives sur des pratiques, comportements et/ou perceptions pouvant influencer certaines étapes importantes d’un arbre de scénarios, et ainsi de dégager des hypothèses sur les paramètres influençant la qualité de réalisation des actes pratiques sensibles. À partir de ces hypothèses, un questionnaire doit être élaboré pour les acteurs de terrain réalisant ces actes pratiques dans le but de recueillir des données quantitatives qui permettent de vérifier les hypothèses initiales. En fonction des hypothèses validées, des nœuds doivent être ajoutés à l’arbre de scénarios et les branches qui en sont issues doivent être paramétrées à l’aide des données quantitatives du questionnaire, en intégrant également éventuellement, si nécessaire, une certaine variabilité et/ou incertitude à la modélisation.
 
ARTICLES D’ÉPIDÉMIOLOGIE
 
Dahmani Ali, Lounes Nedjma, Bouyoucef Abdallah & Rahal Karim
Une étude rétrospective a été menée sur la période 2003-2015 dans le but de décrire l’évolution de la brucellose humaine dans la Daïra d’Aziz où il a été enregistré un taux d’infection humaine deux fois plus important que le taux national en 2005 et dix fois plus en 2006. Les hommes étaient en moyenne six fois plus atteints que les femmes, tandis que pendant le pic d’infection, le sex-ratio était de 19. Les jeunes de 21 à 30 ans ont représenté la classe modale. La période de forte incidence a été le printemps et l’été. Cent une familles ont été infectées par la brucellose. Les hypothèses explicatives en relation avec l’origine animale de cette zoonose sont discutées.
 
Saegerman Claude
Le 13 septembre 2018, de manière inattendue, la peste porcine africaine (PPA) a été notifiée chez des sangliers en province du Luxembourg, au sud de la Belgique. En 1985, la Belgique avait déjà connu un épisode de PPA dans des exploitations porcines en province de Flandre occidentale, au nord-ouest de la Belgique. L’origine était alors de la viande de porc importée d'Espagne donnée comme nourriture à un seul verrat et cet épisode avait été rapidement circonscrit. L’origine de l’épisode actuel dans la faune sauvage n’est pas connue à ce jour, mais la distance par rapport aux zones géographiques préalablement infectées (Europe de l’Est) est considérable et, dès lors, l’origine la plus probable est attribuable à une activité humaine. La PPA chez les sangliers au sein de la zone noyau d’infection est épizootique. Tenant compte des connaissances acquises, il apparaît d’emblée difficile de contenir l’infection lorsque le virus de la PPA affecte une population de sangliers. Le risque de diffusion de la PPA au départ de la province du Luxembourg est réel malgré les mesures drastiques prises par les autorités régionale (en charge des aspects liés à la faune sauvage et la gestion des déchets animaux) et fédérale (en regard des exploitations porcines). Le partage des informations sanitaires détaillées en temps réel, la mobilisation de groupes scientifiques transdisciplinaires d’expertise collective d’urgence comme outil d’aide à la décision, la participation des parties prenantes aux efforts de lutte sont des éléments qui détermineront l’issue de cet épisode. Vu la position de la zone d’infection, il s’avère en outre des plus utile de s’accorder entre pays limitrophes sur les bases d’une stratégie de lutte régionale de la PPA.
 
INFORMATIONS
 
Delsart Maxime