Chaque mois, dans les colonnes des Chroniques Scientifiques de l'AEEMA, un épidémiologiste francophone met en avant un article scientifique de son choix.
Ce mois-ci, Céline Faverjon, consultante chez Ausvet Europe, vous propose l'article "The value proposition of the Global Health Security Index" écrit par Ravi et al. (2020) et publié dans le journal BMJ Global Health en 2020.
Cet article est disponible en libre accès ici.
Pouvez-vous nous résumer brièvement l’article ?
Le Global Health Security (GHS) Index est un projet de la Nuclear Threat Initiative et du Center for Health Security de l'Université Johns Hopkins. Cet index s’appuie sur l’outil d’évaluation externe (Joint external evaluation, JEE) de l’OMS mais évalue également la préparation des systèmes de santé aux épidémies de grande ampleur, ainsi que les facteurs de risque socio-économiques et politiques qui peuvent influencer la vulnérabilité des pays aux menaces épidémiques. Cet index dévoilé en 2019 (https://www.ghsindex.org/) constitue la première évaluation complète du niveau de sécurité sanitaire de 195 pays. L’épidémie de COVID-19 a cependant montré que l’index avait pu surestimer les capacités d’un certain nombre de pays à faire face à une épidémie de grande ampleur. Cet article revient sur les limites de l’index GHS, discute de sa valeur et de comment il peut être utilisé par les chercheurs et décideurs politiques pour améliorer la sécurité sanitaire. Les auteurs mettent plus particulièrement en évidence le fait que cet indice peut aider les décideurs à identifier les faiblesses des systèmes de prévention, de détection et de réponse aux épidémies, tout en tenant compte des facteurs de risque sociaux, politiques et environnementaux pertinents. Cependant, les auteurs insistent également sur le fait que cet index ne peut pas prédire la manière dont les pays répondent aux épidémies ni l’impact d’une épidémie sur les populations de ces pays. L’index ne doit donc pas être considéré comme une fin en soi mais comme un point d’entrée pour des analyses plus approfondies des capacités et des performances des systèmes de santé.
Pourquoi avoir choisi de mettre en avant cet article ?
L’évaluation des capacités des pays à faire face à une épidémie de grande ampleur est un sujet d’actualité depuis plusieurs années suites aux épidémies liées aux virus Zika, Ebola, ou encore H1N1. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les limites des méthodes d’évaluations proposées et notamment de l’index GHS. Certains articles publiés récemment sur la même thématique ont été particulièrement critiques vis-à-vis de cet index mettant notamment en cause la méthode utilisée et cherchant des liens de corrélations entre l’index GHS et l’impact de la COVID-19. J’ai plutôt choisi de présenter cet article qui présente les points faibles et les points forts de l’index mais pose plus globalement la question de l’utilité et l’utilisation de ce type d’index. Les indicateurs globaux se sont multipliés ces dernières années autant en santé humaine qu’animale car ils sont faciles à interpréter et, en théorie, à utiliser. Cependant, l’exemple de l’index GHS et de la COVID-19 montre bien qu’ils doivent être utilisés avec précaution. Ces indicateurs globaux peuvent être des outils d’aide à la décision de part leur capacité à identifier des tendances. Cependant ils ne doivent pas être considérés comme seule source d’information. Leurs limites doivent être clairement explicitées et les sous indicateurs qui les constituent doivent toujours être attentivement évalués.
Y a-t-il des points abordés dans l’article qui vous ont laissé perplexe ou que vous auriez aimé voir plus développés ?
Les auteurs encouragent les utilisateurs du GHS à ne pas utiliser l’index global en lui-même mais plutôt des sous-indicateurs. Dans ce contexte, la question de l’intérêt même d’avoir développé et présenté au grand public cet indicateur global n’est pas abordée. Il aurait pu être intéressant de discuter de la nécessité d’avoir un indicateur global alors même que cet indicateur est peu pertinent d’un point de vue d’aide à la décision. Cette question aurait pu être mise en relation avec la façon dont les scientifiques communiquent les résultats de leurs recherches aux décideurs politiques, aux financeurs, et au grand public. En effet, les résultats de la recherche sont souvent complexes et peu accessibles à l’image des 34 indicateurs et 85 sous-indicateurs qui constituent le GHS. Combiner ces éléments en un unique indicateur est tentant car cela a l’avantage d’être beaucoup plus facile à communiquer à un public non expert. Cependant cette simplification d’une réalité forcément complexe est associée à de nombreuses limites qui, si elles sont mal comprises, peuvent conduire à des erreurs d’interprétation. La crise de la COVID-19 a révélé que la communication scientifique, et plus spécifiquement la vulgarisation scientifique à destination du grand public et des décideurs politiques, était un immense défi pour les scientifiques. Les critiques qui ont récemment entouré le GHS sont pour moi une bonne illustration de ce problème.
Merci à Céline Faverjon (
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