Chaque mois, un membre de l’AEEMA met en avant un article scientifique de son choix.

Ce mois-ci, Nicolas Rose, chef de l'unité «Epidémiologie et Bien-être du Porc» de l’Anses de Ploufragan, vous propose l’article «Influenza A virus in swine breeding herds: Combination of vaccination and biosecurity practices can reduce likelihood of endemic piglet reservoir» écrit par White et al. et publié dans « Preventive Veterinary Medicine» en 2017.

Cet article est disponible ici.

Pouvez-vous nous résumer brièvement l’article ?

Ce papier est une étude de modélisation sur un sujet d’actualité en production porcine : la persistance enzootique des virus influenza porcins. Les auteurs soulignent tout d’abord à juste titre l’importance de la problématique tant sur le plan de la santé animale (complique la gestion des maladies respiratoires) que sur le plan de la santé publique (co-circulation de plusieurs sous-types de virus influenza et risque de formation de virus réassortants). Peu d’études de modélisation ont été conduites sur le sujet et le modèle proposé ici est un modèle stochastique de type SEIRV (Susceptible-Exposed-Infectious-Removed-Vaccinated) représentant de manière explicite la propagation d’un virus influenza au sein d’une population d’un élevage naisseur typique du Midwest Américain. Le modèle représente avec un niveau de détail important la métapopulation animale (reproducteurs et porcelets qui en dérivent) dans le temps et l’espace. Les processus sont gérés en temps continu et évènements discrets (algorithme de Gillespie). L’originalité de la démarche repose sur l’utilisation du modèle pour l’évaluation de mesures de gestion telles que les procédures d’introduction des cochettes de renouvellement, le sevrage précoce des porcelets et différentes stratégies de vaccination en prenant en compte l’efficacité vaccinale selon que le virus infectant l’élevage est plus ou moins homologue à la souche vaccinale. Les résultats confirment le rôle de la population des porcelets dans le maintien de l’infection sur le site d’élevage. Les résultats confirment aussi la difficulté à éradiquer ce type d’infection même en utilisant des protocoles de vaccination très lourds lorsque le virus est installé. Il apparait nécessaire de combiner simultanément une vaccination de masse de tout le troupeau tous les deux mois, associée à un sevrage précoce des porcelets avant 7 jours (non autorisé en Europe) ainsi que d’espacer l’introduction de nouvelles cochettes de renouvellement préalablement vaccinées.

Pourquoi avoir choisi de mettre en avant cet article ?

Cet article est le premier présentant une évaluation des mesures de maîtrise de la persistance des virus influenza en élevage porcin selon une approche de modélisation. Cette thématique étant un sujet de recherche actuel dans mon unité, j’ai été particulièrement intéressé par leur approche et les conclusions qu’ils ont pu en tirer. Sur le plan méthodologique, une analyse de sensibilité intéressante est conduite et permet d’identifier les paramètres les plus influents sur les sorties. Par ailleurs les résultats obtenus sont cohérents avec les travaux que nous avons pu conduire sur un système d’élevage plus représentatif de ce qui existe en Europe (modèle naisseur-engraisseur). Ils confirment l’importance de la population des porcs en croissance dans le maintien de l’infection sur le site et de la difficulté de gestion par la seule vaccination sans établir de « trous » dans la sous-population des porcs en croissance (export de bandes de porcelets au sevrage par exemple).

Y a-t-il des points abordés dans l’article qui vous ont laissé perplexe ou que vous auriez aimé voir plus développés ?

Certaines mesures évaluées ne sont pas transposables en Europe (sevrage de porcelets à 7 jours d’âge). Par ailleurs le système d’élevage (à la fois sur le plan de la taille du troupeau et de la conduite) est difficilement transposable aux systèmes européens et a fortiori aux systèmes français. Enfin, les élevages chroniquement infectés par les virus influenza sont généralement confrontés à une co-circulation de différents sous-types qui peuvent former des virus réassortants. Ce point important pour la santé publique n’est pas pris en compte ici. Il est par ailleurs regrettable que cet article publié dans une revue internationale soit aussi centré sur les spécificités de l’Amérique du Nord et ignore totalement sur le plan bibliographique les données publiées en Europe. On peut regretter à cet égard le manque de sagacité des reviewers quant à l’exhaustivité des données bibliographiques présentées et utilisées.

 

Merci à Nicolas Rose ( Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) pour sa contribution.

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A noter qu’il n’y a pas de comité de lecture pour cette rubrique et que le contenu n’engage que le contributeur du mois.