Première page de couverture : dessin d’humour dû à la collaboration de Pascal Hendrikx, Julien Cauchard et Jean-Philippe Amat, illustrant le thème de ce numéro.
 
 
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Barbara Dufour
 
Steinfeld Nadine, Spenler Olivier
Cette étude a pour objectif d’établir l’origine du syntagme Transboundary animal diseases, en répondant notamment aux interrogations suivantes : qui utilise pour la première fois ce syntagme ? Dans quel contexte ? Dans quel sens ? Avec quelle fréquence ? Qui d’autre l’utilise ensuite ? Comment s’est-il diffusé à l’échelle internationale ? Nous nous intéressons à la manière dont le syntagme circule dans les publications de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organization of the United Nations - FAO) à partir de sa parution en 1994 et comment il a été traduit en français par l’institution concernée ainsi que par les sources terminologiques officielles de l’ONU et de l’UE.
 
JOURNÉE AEEMA - 23 MAI 2019 : ÉPIDÉMIOLOGIE ET PRÉVENTION DES MALADIES ANIMALES TRANSFRONTALIÈRES
 
Amat Jean-Philippe, Toma Bernard
Certaines maladies, animales et/ou humaines, ont de tout temps pu provoquer des épidémies et des épizooties en parcourant de longues distances. Il semble que le terme « transfrontalier » a été employé pour la première fois au sujet de maladies animales par l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en 1994. Les deux caractéristiques fondamentales d’une maladie animale pour qu’elle puisse être qualifiée de transfrontalière sont son potentiel épizootique et l’importance des conséquences de sa survenue. Il est ici proposé de définir une maladie animale transfrontalière (MAT) comme une « maladie animale transmissible, à potentiel élevé de diffusion entre pays et à conséquences sanitaires et/ou économiques importantes ». Cette définition peut inclure les zoonoses cliniquement graves chez l’Homme, mais à réservoir animal cliniquement discret.
Les MAT sont nombreuses. Leur hiérarchisation permet d’identifier celles qui sont les plus dangereuses et qui méritent une attention particulière pour la veille sanitaire et pour la préparation de plans d’urgence en vue de leur éventuelle introduction en pays indemne. Toute hiérarchisation nécessite de définir des critères de hiérarchisation, de les évaluer pour chaque maladie et de définir un mode de combinaison de ces critères, ce qui est un exercice délicat. S’il n’existe pas de liste unique, indiscutable, de critères, il semble indispensable de prendre en compte a minima des critères épidémiologiques, sanitaires, économiques et relatifs aux moyens et méthodes de lutte disponibles. Il est difficile de dresser une liste universelle des MAT les plus préoccupantes. Au contraire, une liste hiérarchisée de MAT ne semble valable que pour une zone géographique et une période données, compte tenu notamment des évolutions dues à l’apparition de nouvelles maladies, à l’identification de leur pouvoir zoonotique et aux modifications de leurs aires de répartition. La prévention et le contrôle des MAT à l’échelle internationale nécessite une capacité de détection très rapide de tout premier foyer, une notification efficace et transparente du pays touché aux autres pays, la mise en place de systèmes de veille sanitaire internationale et la mise en œuvre rapide de mesures d’intervention, facilitée par l’existence de plan(s) d’urgence.
 
Zientara Stephan
De nombreux facteurs peuvent provoquer l’émergence ou la réémergence de maladies pouvant s’étendre et traverser des frontières. Les mécanismes de transmission des maladies animales transfrontalières sont très variés (contagion directe, contagion indirecte, transmission par vecteurs) et peuvent être associés et/ou alternés pour une même maladie. Dans une optique d’actions possibles de lutte contre les maladies animales transfrontalières, on peut les regrouper en deux grandes catégories : les modalités naturelles de transmission et celles résultant d’activités humaines. Différents exemples sont présentés pour illustrer la transmission naturelle, directe (exemple de la fièvre aphteuse - FA -) ou indirecte (toujours la FA ou les infections à virus West Nile ou au virus de la fièvre catarrhale ovine (FCO), dont la transmission est vectorielle).
L’Homme, par ses actions (transports) ou les modifications de l’environnement qu’il peut provoquer, est susceptible d’intervenir directement ou indirectement dans la transmission des maladies transfrontalières. Ainsi, les exemples de l’épizootie de FA en 2007 en Angleterre ou de l’apparition de la FA dans la République de Maurice en 2016 sont abordés. De même, l’émergence du virus Schmallenberg dans le nord de l’Europe est sans nul doute associée à l’intensification des échanges internationaux. Les transports d’animaux et le non-respect des réglementations internationales peuvent être à l’origine de la transmission transfrontalière de ces maladies. Le cas de la peste équine « importée » de Namibie en Espagne est présenté. Est aussi évoqué le cas de la FA en Angleterre en 2001 (introduction par le biais des eaux grasses). Les conséquences de ces différents modes de transmission pour les actions de lutte contre ces maladies (prévention et maîtrise) peuvent être différentes. Ainsi, les stratégies de lutte contre des maladies à contagion directe ou contre des maladies vectorielles seront nécessairement différentes comme l’illustreront les exemples de la lutte contre la FA en Angleterre en 2001 ou de la fièvre catarrhale ovine en France.
 
Rose Nicolas
L'épizootie de peste porcine africaine (PPA) qui sévit actuellement en Europe et en Asie a débuté en Géorgie en 2007, et provenait très probablement de l'élimination inappropriée de déchets de cuisine d'un navire venant d’Afrique de l’Est. Le virus impliqué dans cette panzootie est une souche très virulente appartenant au génotype II. À partir de la Géorgie, le virus s'est propagé dans tout le Caucase et dans la fédération de Russie, où la maladie est ensuite devenue enzootique. À partir de juillet 2012, la peste porcine africaine s’est étendue à l’Ukraine et en 2013 à la Biélorussie. En janvier 2014, la peste porcine africaine atteint les frontières orientales de l'Union européenne avec de premiers cas de sangliers infectés signalés en Lituanie pour rapidement diffuser aux autres pays baltes et à la Pologne. Les derniers pays touchés en Europe sont la République Tchèque, la Hongrie, la Moldavie, la Roumanie, la Bulgarie et dernièrement la Belgique. Ces pays ont tous connu des cas chez des sangliers en 2017 ou 2018, associés dans certains cas à des foyers chez des porcs domestiques (Roumanie, Moldavie, Hongrie, Bulgarie). Le virus a été introduit en Chine le 3/08/2018 vraisemblablement à partir de la Fédération de Russie et donne lieu aujourd’hui à une épizootie majeure, principalement dans le réservoir domestique, totalement hors de contrôle, et qui s’est propagée aujourd’hui au Vietnam, au Cambodge, au Laos, en Corée du Nord et en Mongolie.
L’Homme joue un rôle central en tant que facteur de propagation de cette maladie de par ses activités favorisant ainsi une progression par sauts, parfois sur de très longues distances, et souvent transfrontalière comme le montre l’historique des différents pays touchés depuis 2007. Hormis les cas particuliers de la Roumanie en Europe et de la Chine, la gestion de la maladie dans le réservoir domestique est généralement plus facilement réalisable que dans les populations de sangliers. Seule la République Tchèque a aujourd’hui pu contrôler efficacement la maladie dans les populations de sangliers infectés et a récemment recouvré un statut indemne.
 
Scoizec Axelle, Cauchard Julien, Mercier Alizé, Falala Sylvain, Niqueux Eric, Schmitz Audrey, Huneau-Salaün Adeline, Le Bouquin Sophie
Plusieurs panzooties d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) liées à des virus de la lignée A/goose/Guangdong/1/1996 ont fortement touché les filières avicoles mondiales depuis 2003. En 2018, ces panzooties avaient déjà atteint près de 68 pays avec plus de 500 millions de volailles mortes ou abattues. Actuellement, les panzooties d’IAHP représentent toujours un risque très important comme le démontrent celles de 2014-2015 et 2016-2017. Leurs conséquences sont considérables en termes de santé animale et de par le potentiel risque zoonotique, de santé humaine ; sans oublier les conséquences économiques du fait des mortalités, des abattages et des restrictions commerciales associées. Au travers d’exemples de panzooties d’IAHP, de cas de transmission transfrontalière et des caractéristiques du réseau mondial de commerce de volailles vivantes et des pays exportateurs, nous présentons les rôles et risques respectifs de l’avifaune sauvage migratrice et du commerce de volailles vivantes dans la transmission transfrontalière de l’IAHP. Sont ensuite exposées les implications des caractéristiques de cette transmission pour la lutte et la prévention de ces panzooties d’IAHP.
 
Cauchard Julien, Mercier Alizé, Falala Sylvain, Peyrat Marie-Bénédicte, Calavas Didier, Lancelot Renaud, Lambert Yves, Dupuy Céline
Dans le contexte actuel de la globalisation des échanges commerciaux, et de la mobilité accrue des personnes, des animaux et des biens, la veille sanitaire internationale constitue un enjeu et un outil de premier plan permettant aux autorités sanitaires d’anticiper les menaces liées aux maladies animales infectieuses (ré)émergentes, zoonotiques ou non. Cette veille est réalisée au niveau international par des organismes officiels (ex : OIE, Union européenne) ou des dispositifs non officiels comme ProMED. À l’échelle nationale, certains États ont mis en place leur propre système de veille sanitaire, et pour la France la Plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (Plateforme ESA) contextualise et adapte sa veille aux territoires métropolitains. Tous les dangers sanitaires de catégorie 1 font l’objet d’une veille ainsi que d’autres maladies d’intérêt économique.
La veille sanitaire internationale (VSI) de la Plateforme ESA bénéficie d’un réseau d’experts nationaux et internationaux, et a été particulièrement active ces dernières années, notamment avec l’émergence en Europe de la dermatose nodulaire contagieuse bovine, des virus influenza aviaire et de la peste porcine africaine. Elle doit faire face à l’hétérogénéité des déclarations pour ses analyses, tant en format qu’en source. Elle développe aussi ses propres outils de collecte et d’analyse de données comme un modèle d’estimation de la vitesse de propagation des épizooties, ainsi que des outils de veille automatisée permettant de récolter des informations non officielles sur Internet. Ces outils permettent d’améliorer la détection précoce et le suivi des signaux d’alerte à des fins de meilleure anticipation et gestion des menaces en santé animale.
 
Angot Jean-Luc
Les agents responsables de maladies animales transfrontalières et leurs éventuels vecteurs circulent de plus en plus facilement et rapidement à travers le monde. La sécurisation des introductions est donc nécessaire parallèlement aux actions indispensables de prévention, de surveillance et de lutte à la source, à mener dans un cadre international.
 
Gerbier Guillaume, Linden Znnick, Licoppe Alain, Desvaux Stéphanie, Rossi Sophie
Au travers des expériences récentes de la Belgique - infectée en septembre 2018 - et de la France - toujours indemne en septembre 2019 - cet article aborde le contraste des situations, l’efficience des différentes mesures de prévention et de lutte mises en œuvre contre la peste porcine africaine (PPA) dans un contexte d’émergence focale (sensibilisation, contrôles, recherche active et extraction des cadavres de sangliers, dépeuplement des populations de sangliers, clôtures).
 
Delsart Maxime
La biosécurité est depuis longtemps au cœur des discours et des conseils en production porcine. Avec l’augmentation du risque de peste porcine africaine (PPA) et la publication de l’arrêté du 16 octobre 2018 relatif aux mesures de biosécurité applicables dans les exploitations détenant des suidés, elle s’impose avec une obligation de moyens ET de résultats. Les mesures de biosécurité à impérativement mettre en place ont pour objectifs d’empêcher tout contact direct d’un suidé de l’élevage avec un suidé sauvage, toute contamination indirecte via du matériel, des véhicules, des hommes, des nuisibles ou des animaux domestiques et, bien entendu, d’interdire la consommation d’aliment contaminé par les suidés. Un référent biosécurité propre à chaque élevage, nommé et formé doit mettre en place un plan de biosécurité dans l’élevage incluant notamment un zonage et un plan de circulation. Dans les élevages où les animaux peuvent accéder à un parcours plein air, une double clôture doit interdire, d’une part, l’introduction de suidés sauvages et, d’autre part, les contacts groins à groins entre les suidés de l’élevage et les suidés sauvages.
 
 
ARTICLE D’ÉPIDÉMIOLOGIE
 
Pandolfi Fanny, Calavas Didier, Grandcollot-Chabot Marie, Mollaret Estelle, Bréard Emmanuel, Sailleau Corinne, Zientara Stephan, Dion Françoise, Garin Emmanuel, Tourette Isabelle, Viarouge Cyril, Vitour Damien, Zanella Gina, Bronner Anne
En novembre 2017, un veau, qui devait être exporté en Espagne, s’est révélé être positif par RT-PCR de groupe FCO (PCR qui détecte tous les sérotypes du virus de la fièvre catarrhale ovine) mais négative en PCR de typage du sérotype 8 par le laboratoire départemental agréé de la Loire. Le prélèvement de sang a été envoyé au laboratoire national de référence de l’Anses qui a confirmé, le 6 novembre, les résultats et identifié le sérotype (sérotype 4). Ce veau provenait d’un élevage situé dans le département de la Haute-Savoie. Le 9 novembre, sur 20 prélèvements de sang de bovins du même élevage, un autre animal s’est révélé être PCR positif pour la FCO de sérotype 4 : la mère du veau.
Il s’agissait du premier cas de sérotype 4 détecté en France continentale. Le veau a été euthanasié. A cette époque, le virus de la FCO de sérotype 4 sévissait en Corse, en Sardaigne et dans le Nord de l’Italie. Une enquête a été mise en place afin de déterminer l’origine de la contamination et d’évaluer la prévalence de l’infection autour de l’élevage index. Conformément à la réglementation de l’UE, un périmètre interdit et des zones de protection et de surveillance ont été mises en place (respectivement 20, 100 et 150 km autour du foyer).
Des prélèvements ont été réalisés dans les zones de protection et de surveillance pour rechercher la présence de la maladie : tirage au sort de 45 élevages de bovins dans chaque département avec une répartition spatiale des élevages la plus homogène possible. Pour chaque élevage sélectionné, des analyses RT-PCR sur 20 animaux âgés de plus de 12 mois ont été réalisées. Des enquêtes ont également été menées dans les élevages en lien épidémiologique avec les foyers.
L’analyse des données épidémiologiques a été conduite dans le cadre d’un groupe de suivi dédié de la Plateforme ESA. Le 22 décembre 2017, compte tenu de l’extension de l’aire d’infection et de l’insuffisance de doses vaccinales disponibles, le Ministère de l’agriculture a décidé que la politique d’éradication par une vaccination massive obligatoire des ruminants domestiques ne pourrait pas être tenue. A la date du 3 mai 2018, 103 foyers de FCO-4 avaient été détectés en France continentale, dont 80 en Haute-Savoie.
 
JOURNÉE AEEMA - 24 MAI 2019 : COMMUNICATIONS
 
Faverjon Céline, Carmo Luis Pedro, Berezowski John
Les systèmes de surveillance syndromique (SSy) multivariés offrent des perspectives intéressantes pour renforcer la détection précoce des épizooties. Cependant, le nombre de ces systèmes opérationnels en santé animal est faible car il reste difficile d’évaluer leurs performances. L'objectif de cette étude était d'évaluer un système de SSy multivarié pour les maladies bovines en Suisse en utilisant une méthode standardisée pour simuler des épizooties multivariées réalistes de différentes maladies et en comparant les performances de détection de deux algorithmes : la carte multivariée de moyenne mobile pondérée exponentiellement (MEWMA), et la carte multivariée de sommes cumulées (MCUSUM). Ces deux algorithmes permettent de combiner quantitativement les informations fournies par plusieurs séries temporelles en un unique indicateur facilement interprétable.
Douze séries temporelles de syndromes ont été extraits de deux bases de données nationales suisses pour la période 2013-2017. Des épizooties de quatre maladies bovines (la diarrhée bovine virale (BVD), la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), la fièvre catarrhale du mouton (FCO) et l’infection à virus Schmallenberg (SV)) ont ensuite été simulées à l'aide d'informations obtenues par consultation d'experts. Les deux algorithmes ont permis de détecter toutes les épizooties simulées environ 4,5 mois après le début de l'épizootie, avec une spécificité de 95 %. Cependant, les résultats variaient selon l'algorithme et la maladie considérée. Nos résultats montrent que les deux cartes de contrôle directionnelles multivariées sont des méthodes prometteuses pour combiner les informations provenant de plusieurs séries temporelles afin de détecter rapidement les changements s’opérant dans une population tout en maintenant le nombre de fausses alarmes positives à un niveau raisonnable.
 
Payne Ariane, Ruette Sandrine, Schmitd Rémi, Duhayer Jeanne, Colombe Matthieu, Lesellier Sandrine, Richomme Céline, Rossi Sophie
L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact des espèces non cibles lors de déploiement d’appâts candidats pour la vaccination orale des blaireaux contre la tuberculose bovine, qui pourrait être une mesure de gestion intéressante en France pour limiter la transmission blaireau-bovin. L’étude a été conduite en zone infectée de Côte-d’Or sur 15 terriers situés à proximité de pâtures où les appâts (sans vaccin), mis au point en Angleterre, ont été distribués au printemps et en été dans ou devant les gueules de terriers. Des pièges vidéographiques ont été utilisés pour évaluer la fréquentation des terriers et la potentielle consommation des appâts par les espèces non cibles et un suivi visuel de la disparition des appâts a également été réalisé puis analysé. En dehors du blaireau, les espèces les plus fréquentes ont été le chevreuil, le chat sauvage et le renard. La consommation d’appâts, plus fréquente en été quand les appâts étaient distribués devant les gueules, a été observée par des oiseaux, des renards, des bovins, des petits rongeurs, des ragondins et la martre ou la fouine. Cette étude a : 1. montré un spectre d’espèces non cibles plus important qu’en Angleterre ; 2. identifié le renard comme l’espèce pouvant avoir le plus d’impact sur la prise d’appâts par les blaireaux ; 3. montré que les bovins peuvent consommer l’appât, ce qui devra être pris en compte pour éviter l’interférence avec les tests de dépistage, si la vaccination orale du blaireau avec le BCG était envisagée.
 
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