Chaque mois, un membre de l’AEEMA met en avant un article scientifique de son choix.

Ce mois-ci, Emilie Gay, épidémiologiste à l'Anses de Lyon, vous propose l’article «Quantitative assessment of antimicrobial resistance in livestock during the course of a nationwide antimicrobial use reduction in the Netherlands» écrit par A. Dorado-Garcia et al. et publié dans Journal of Antimicrobial Chemotherapy en 2016.

Le résumé de cet article est disponible ici.

Pouvez-vous nous résumer brièvement l’article ?

Cet article vise à quantifier l’association entre l’usage des antibiotiques et l’antibiorésistance de la bactérie indicatrice E. coli au sein de différentes productions animales (poulets de chair, porcs, veaux de boucherie et vaches laitières) aux Pays-Bas. Cette analyse court sur la période 2004-2014 (date de début variable suivant les productions) qui inclut un plan de réduction de l’usage des antibiotiques qui a démarré en 2010.

Les données utilisées sont celles issues des plans de surveillance nationaux pour la résistance, et celles de la quantification annuelle des « defined daily dosages per animal per year » (DDDA/Y) de la Netherlands Veterinary Medicines Authority pour les usages d’antibiotiques. Pour chaque espèce animale et chaque résistance à un antibiotique donné, deux modèles logistiques mixtes pour données groupées ont été utilisés, l’un avec comme variable explicative l’usage antibiotique total, l’autre l’usage d’antibiotiques de la famille de l’antibiotique étudié.

Les résultats indiquent que la résistance est plus fortement et plus souvent significativement associée à l’usage total d’antibiotiques qu’à l’usage de la famille considérée, ce qui souligne l’importance de la co-sélection de la résistance. Le plan de réduction de l’usage des antibiotiques a permis de nettement réduire les usages, et semble avoir permis de réduire la résistance des E. coli chez les porcs et les veaux de boucherie. L’impact est moins marqué chez les vaches laitières et les poulets.

Pourquoi avoir choisi de mettre en avant cet article ?

Cet article aborde le sujet difficile de la quantification de la relation usage-résistance dans le domaine de l’antibiorésistance. L’approche est en général ardue car les données ne sont pas toujours disponibles ou appropriées, et que le lien biologique est complexe et multifactoriel. Ici des données écologiques à l’échelle nationale ont été utilisées, il s’agit donc d’une association à l’échelle d’unités épidémiologiques qui ne sont pas équivalentes. Bien qu’utilisant des données imparfaites, mais qui ont le mérite d’être disponibles, cette étude met en évidence un lien pour certaines productions animales. Une transposition de ce travail aux données françaises serait intéressante, pour évaluer l’effet du plan EcoAntibio notamment.

Y a-t-il des points abordés dans l’article qui vous ont laissé perplexe ou que vous auriez aimé voir plus développés ?

Il y a eu une rupture dans le protocole d'échantillonnage chez les veaux de boucherie pendant la période d'étude (échantillonnage à l'abattoir et non plus en élevage). Ce point est abordé plusieurs fois dans l'article et ses potentielles conséquences évoquées. Des modèles incluant le type d'échantillonnage ont été testés pour les veaux, mais tous les résultats devenaient non significatifs, ce modèle n'a donc pas été retenu. Mais finalement, peut-être que les associations identifiées dans les autres modèles, suggérant une association entre usage et résistance, sont en fait dues à ce changement du type d'échantillonnage... Pour moi il reste un peu de flou autour de ce résultat qui est l'un des deux mis en avant dans cet article.

 

Merci à Emilie Gay ( Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) pour sa contribution.

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