Chaque mois, un épidémiologiste francophone de l’AEEMA met en avant un article scientifique de son choix. Debapriyo Chakraborty

Ce mois-ci, Debapriyo Chakraborty, post-docotrant dans l'équipe EPIDEC (https://epidec.weebly.com/) de l'UMR ENVT-INRAE Intéractions Hôtes Agents Pathogènes vous propose l'article "Agricultural and geographic factors shaped the North American 2015 highly pathogenic avian influenza H5N2 outbreak" écrit par Hicks et al. et publié dans PLoS Pathogens en 2020.

Cet article est disponible ici.

Pouvez-vous nous résumer brièvement l’article ?

L'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) - causée par les sous-types H5 ou H7 du virus de la grippe A - est une importante maladie infectieuse des oiseaux, sauvages et avicoles, et est caractérisée par des taux de mortalité élevés. Les sous-types d'IAHP sont souvent issus de formes génétiquement réassorties de virus ancêtres qui étaient à l’origine de pathotypes faiblement pathogènes chez les oiseaux sauvages. Cependant, les mécanismes de leur introduction dans les élevages commerciaux de volailles ainsi que le rôle de la présence de multiple espèces de volailles dans leur transmission restent aujourd’hui mal compris. En étudiant une récente épizootie d'IAHP (H5N2) dans des élevages commerciaux de volailles du centre-ouest des États-Unis, Hicks et al., 2020 ont détecté des types d'espèces de volailles qui sembleraient jouer un rôle de barrière pour la transmission du virus entre espèces. Une fois introduit dans un type espèce, le virus aurait tendance à se maintenir au sein de cette même espèce. Enfin, ils ont également identifié la distance géographique comme étant fortement associée à la distance de transmission virale.

Pourquoi avoir choisi de mettre en avant cet article ?

J'ai choisi cet article pour trois raisons. Premièrement, l'IAHP est l'une des maladies émergentes à forte vitesse de propagation, avec un risque zoonotique important et des effets économiques dévastateurs (de l'ordre de millions de dollars pour les industries avicoles). Pourtant, notre compréhension de l’écologie et de l’évolution de cette maladie reste encore mal comprise, limitant le développement de mesures de prévention et de lutte qui soient efficaces. Hicks et al., ont souligné ces points importants en étudiant et en comparant un grand nombre de facteurs écologiques, géographiques et agricoles dans un cadre multivariable combinant des données génomiques et épidémiologiques - probablement une première en épidémiologie vétérinaire. Deuxièmement, cet article est assez innovant dans le sens où il illustre l’application d’approches phylodynamiques dans un contexte d’épidémiologie vétérinaire (qui étudie les interactions entre les processus écologiques et évolutifs, à l'aide des généalogies virales observées et des modèles de diversité génétique). Cette approche permet de combiner des informations sur les relations génétiques des lignées virales (via les arbres phylogénétiques) avec des informations sur les dynamiques d'infection (via les modèles épidémiologiques). Enfin, la présente étude permet de fournir des éléments d’information supplémentaire sur les différentes modalités de transmission de l'IAHP à différentes échelles. En particulier, alors que le virus de l'IAHP se serait propagé dans de vastes régions via les oiseaux sauvages, les évènements de transmission au sein même d'une région seraient plus associés à des facteurs géographiques et des pratiques agricoles.

Y a-t-il des points abordés dans l’article qui vous ont laissé perplexe ou que vous auriez aimé voir plus développés ?

L'article pourrait être mieux organisé. Le manque d'organisation découle de deux grandes raisons. (1) Les auteurs n'ont pas construit d'arguments détaillés basés sur des hypothèses expliquant et reliant les questions abordées avec des méthodes. Par exemple, il serait beaucoup plus facile pour le lecteur de suivre la section des méthodes s'il avait ancré les différentes méthodes d'analyse avec une hypothèse spécifique à l'avance. (2) Malgré des résultats très intéressants, il était difficile de suivre l'histoire de manière cohérente car l'ordre des différentes analyses présentées n'était pas intuitif. Par exemple, à mon avis, la partie GLM aurait probablement dû précéder le modèle épidémiologique phylodynamique. Dans l'ensemble, je pense que les auteurs se sont davantage concentrés sur les divers nouveaux outils qui abordaient différents types d'hypothèses épidémiologiques que sur la construction d'une histoire épidémiologique cohérente.

 

Merci à Debapriyo Chakraborty ( Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) pour sa contribution.

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